Valorisation du CO₂ biogénique dans l'agroalimentaire : Zoom sur des projets novateurs pour répondre aux défis de demain

Quels objectifs ?  

Si la valorisation du CO₂ biogénique se concrétise depuis quelques années grâce au soutien des appels à projets GRDF, l'utilisation de ce CO₂ par l'industrie agroalimentaire est encore limitée. La qualité, la traçabilité, la gestion des risques, la prestation de services spécifiques, l'image de marque et la réputation comptent parmi les questions auxquelles il est impératif de répondre pour libérer tout le potentiel de son usage. Les candidats de cet appel à projets étaient invités à intégrer dans leur projet un diagnostic initial des risques et des barrières à la valorisation du CO₂ issu de la méthanisation dans l'agroalimentaire, et proposer des solutions adaptées pour soulever l'ensemble des freins. Ainsi, les projets ont été évalués en fonction des critères suivants : la mise en place d'une collaboration entre les acteurs de l'industrie agroalimentaire et les exploitants de méthaniseurs en France, la viabilité économique de la solution démontrée et une expérience avérée dans la gestion de la chaîne de valeur du CO₂ 

 Le tout en insistant très largement sur la gestion des risques et la sécurité sanitaire.  

GRDF va apporter un cofinancement et son expertise (connaissance du marché, mise en relation avec des partenaires potentiels…) pour accompagner ces projets dans leur réalisation. Le panel des lauréats, présentés ci-dessous, se distingue par une diversité des usages ainsi que des choix techniques (épuration, analyse du CO₂), logistiques et économiques envisagés dans chacun des projets.  

Zoom sur les lauréats et leur projet  

• SAS MD CO₂ (méthaniseur) et ses partenaires  

SAS MD CO₂ (Bar-sur-Seine, Aube, Grand Est) a mis en place un consortium (GRT Gaz, GRDF, Synergis environnement, Biogaz Vallée, la composante ENSAIA de l'Université de Lorraine et la Chambre Régionale d'agriculture Grand Est) pour montrer que le biogénique de méthanisation répond aux exigences de l'industrie agroalimentaire (IAA). En amont du projet, MD a notamment réalisé un certain nombre d'études permettant d'établir son business model et ses choix technologiques. Un contrat de vente de qualité ISBT a notamment été signé avec la société L2PI, spécialisée dans l’embouteillage et la distribution de CO₂ alimentaire pour les distributeurs de boissons (qui utilisent le CO₂ comme agent propulseur pour les boissons servies à la pression). Pour mutualiser les coûts d'analyse du CO₂, MD CO₂ envisage de devenir un laboratoire d'analyse proposant ses services à d'autres unités de méthanisation. Le projet se concentre désormais sur trois résultats :  

– « Qualité et traçabilité » avec une étude sur l'innocuité d'un panel d'intrants et de rations sur la qualité finale du CO₂ biogénique de méthanisation à usage alimentaire sous la norme E290, EIGA et ISBT  

– « Maîtrise des risques » avec mise en place d'un cadre réglementaire pour répondre aux exigences de l'IAA

– « Communication » pour améliorer efficacement l'image et la réputation du CO₂ biogénique à travers différents canaux.  

Les premiers résultats d'analyse du CO₂ sont prévus pour la mi- 2024 avant la diffusion d'un guide technique fin 2024.  

• COOPERL et son méthaniseur Emeraude Bio-énergie 

COOPERL (Lamballe-Armor, Côtes d'Armor, Bretagne), Coopérative Agricole et Agroalimentaire du Grand Ouest, a pour intention de valoriser le CO₂ biogénique généré au sein de son unité de méthanisation. Cette initiative sera mise en œuvre par la filiale du groupe Emeraude BIO-CO₂. Le CO₂ produit sera utilisé en priorité par les outils du groupe COOPERL situés principalement à proximité de l'unité de méthanisation et le surplus sera commercialisé auprès d'entreprises agroalimentaires locales. Pour la purification du CO₂ issu de l'évent d'épuration, la méthode choisie est la distillation cryogénique. Afin d'assurer que le CO₂ produit soit conforme aux normes EIGA & ISB et à la réglementation E290, une évaluation à plusieurs étapes du processus de purification et de liquéfaction sera réalisée à l'aide d'un chromatographe. De plus, une analyse postérieure à la distillation cryogénique sera effectuée à l'aide d'un analyseur type Carboscan pour les étapes de transport et de stockage. 
L'objectif de ce projet est d'assurer l'indépendance du groupe pour son approvisionnement en CO₂, ce qui implique la mise en place de réservoirs de stockage chez les sites consommateurs ainsi que le transport par une citerne dédiée et la livraison du CO₂ sur les sites désignés. Après une phase de tests industriels, la production de CO₂ alimentaire devrait être opérationnelle dès le début de l'année 2025. 

• Méthamoly (méthaniseur) x Ninkasi (brasserie) 

Le projet innovant porté par l'unité de méthanisation Méthamoly (Saint-Denis-sur-Coise, Loire) et la brasserie Ninkasi (Tarare, Rhône) est né d'une volonté commune de contribuer à une économie locale et circulaire en valorisant du CO₂ biogénique issu de méthanisation. Ninkasi utilise le CO₂ dans son processus de fabrication et conditionnement de la bière produite près de Lyon. Le choix de la solution technique d'épuration et liquéfaction du CO₂ s'est tourné vers une entreprise locale (Prodeval) ayant développé une solution dédiée et éprouvée. Le projet a pour ambition de démontrer la compatibilité avec la qualité alimentaire du CO₂ biogénique et ainsi permettre l'émergence d'une filière régionale de valorisation de CO₂ en maillant le territoire au plus proche des consommateurs de l'industrie agroalimentaire. La mise en service de l'unité d'épuration de CO₂ est prévue fin 2024. 

• Enebio (méthaniseur) et ses partenaires  

L'unité de méthanisation Enebio (Dierrey-Saint-Julien, Aube, Grand Est) souhaite instaurer un modèle de valorisation du CO₂ biogénique reproductible intégré au sein d'une boucle locale et circulaire. Une étude de préfaisabilité a confirmé la possibilité d'atteindre la qualité alimentaire. L'une des voies de valorisation est l'utilisation du CO₂ biogénique auprès d'un partenaire agroalimentaire local. Plusieurs modèles logistiques et économiques sont envisagés. Si la certification de la qualité alimentaire devait être établie dès fin 2023, la première production industrielle de l'unité aurait lieu fin 2024 avant une certification alimentaire opérationnelle de l'unité de CO₂. EASY CO2 SAS accompagnera le lauréat par son expertise sur la qualification alimentaire. 

Ce panel de projets démontre tout le potentiel de cette filière en émergence. De nombreuses parties prenantes s’empreignent du sujet et permettent d'instruire de nouvelles réflexions au fil des recherches. En parallèle de ce développement, ces solutions mettent aussi en lumière les futures perspectives dont pourraient bénéficier d'autres producteurs de biométhane que ce soit sur un plan économique ou structurel.