10 ans après, « le choix de la méthanisation reste le bon » !

Mauritz Quaak et son frère Jacques-Pierre Quaak, propriétaires de la Ferme d'Arcy à Chaumes-en-Brie en Seine-et-Marne, se sont lancés, il y a 10 ans, dans la méthanisation agricole. Considérés comme les pionniers dans le domaine, ils sont les premiers à avoir investi dans un site de production de biométhane pour l'injecter dans le réseau gazier. 10 ans après qu'en est-il ? Quel regard portent-ils sur cette activité complémentaire ? A-t-elle tenu ses promesses en termes de revenus, de diversification et d'ancrage territorial ? Du lancement du projet au développement de son unité de méthanisation, M. Quaak livre son retour d'expérience !  

Un projet qui n'a cessé d'évoluer dans le temps 

Un projet de méthanisation est une aventure qui s'étend sur plusieurs années. Ainsi, comme la plupart de leurs homologues, Mauritz et son frère ont fait le choix de commencer par se lancer dans un projet avec une capacité de production et débit plus limités. L'objectif ? Mieux appréhender cette nouvelle activité et ses besoins, que ce soit en termes d'investissement, maintenance, ou temps qu'elle serait susceptible de mobiliser pour s'intégrer naturellement dans l'activité agricole.  
C'est au bout de quelques années d'expérience qu'ils ont ensuite fait le choix d'augmenter leur capacité de production de 10% à 30%. “Nous avons opté pour une croissance progressive afin d'optimiser la pérennité de l'installation et développer le chiffre d'affaires”. 

Une fois engagé dans cet élan de production d'énergie verte, Mauritz et son frère ont souhaité aller encore plus loin. Ils font le choix de l'autoconsommation d'électricité pour réduire les coûts liés à l'achat d'énergie, l'un des volets de dépenses les plus importants d'un site de méthanisation. Ainsi, cette évolution marque une fois de plus leur volonté de réduire toutes les dépenses opérationnelles tout en augmentant les revenus générés.  

Quels impacts sur l'exploitation agricole ?  

Aujourd'hui, les deux frères sont d'accord pour dire que l'unité de méthanisation représente une troisième activité à temps plein aux côtés de leur activité de culture et d'élevage. Cette intégration a toutefois nécessité d'importantes adaptations :  

• Des effectifs dédiés 

L'unité de méthanisation impose des ressources supplémentaires (pilotage opérationnel, maintenance, astreinte…), “c'est une activité similaire aux autres, l'unité fonctionne 24h/24, 7j/7 et nécessite une présence régulière voire permanente”.  

• Des coûts réduits sur les activités agricoles et d'élevages 

Grâce à l'implantation de l'unité de méthanisation, l'exploitation agricole bénéficie de plusieurs avantages : “nous avons pu réduire nos achats d'engrais chimiques grâce à l'utilisation du digestat produit par l'unité de méthanisation. Un engrais naturel qui nous permet en plus d'améliorer la qualité des sols”.  Au-delà de la réduction des coûts, il constate aussi un fort impact sur le volet agroécologique : “Cette approche a également permis de préserver la vie microbiologique du sol en hiver, contribuant ainsi à alimenter l'azote résiduel du sol”.  

En complément de ces bénéfices, vient encore s'ajouter l'optimisation de la gestion et le traitement de ses effluents d'élevage : “ Nous captons directement les effluents sur l'exploitation et la méthanisation nous évite de les stocker en bout de champ. Il y a donc un impact sanitaire positif qui nous permet de réduire les risques de propagation de maladies dans l'étable tout en en favorisant une meilleure biologie ”. 

• Des habitudes agricoles optimisées 

L'intégration de l'unité de méthanisation a également permis d'ajouter une dimension énergétique à la production agricole. L'intégration des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), en plus des cultures alimentaires traditionnelles transforme les habitudes agricoles et contribue à une utilisation plus efficace des terres et à la préservation de la biodiversité. 

• Un rayonnement territorial mais pas que 

Bien que les débuts d'un projet ne soient pas toujours simples sur le volet territorial, la transparence et le dialogue restent les maîtres mots. Il faut faire preuve de beaucoup de pédagogie et d'écoute pour soulever toutes les inquiétudes et les préjugés sur cette activité. Ensuite, passé ces étapes, c'est l'expérience de l'unité qui parle d'elle-même. Mauritz met en avant l'impact positif de la méthanisation sur le plan territorial : “Une unité de méthanisation est génératrice d'activité locale, d'énergie verte pour le territoire et ses administrés et favorise une culture plus durable. Grâce à la métha, nous parvenons à boucler la boucle tout en démontrant que les activités agricoles peuvent également avoir leur rôle à jouer dans la transition énergétique. Cette activité montre aux générations futures que l'agriculteur de demain peut remplir sa mission première qui est d'alimenter les populations, tout produisant de l'énergie verte”.   

Mauritz souligne aussi l'importance de ces nouveaux débouchés pour les nouvelles générations d'agriculteurs : “La méthanisation est un outil de la transition énergétique de l'agriculteur de demain et du territoire. Les futurs agriculteurs y sont sensibles, ce qui peut ouvrir de nouvelles projections aux reprises d'exploitations. Ces perspectives d'évolutions offrent clairement de nouvelles opportunités pour rentabiliser la structure agricole mais aussi pour le métier d'agriculteur”. 

Quelles évolutions envisagées ?  

Au-delà de produire de l'énergie verte et un engrais naturel, la méthanisation offre de nouveaux horizons complémentaires aux exploitants agricoles. Les possibilités sont vastes et de nouvelles filières se créent, notamment grâce à la recherche et aux innovations dans les domaines.  

Mauritz évoque la possibilité de valoriser le CO₂ produit lors du processus de méthanisation en le liquéfiant pour d'autres usages (notamment pour un usage dans l'agro-alimentaire). En complément, il met aussi en avant le potentiel des biocarburants, tout en a soulignant les défis rencontrés par cette filière (sur le volet réglementaire). “Cette filière doit jouer un rôle plus actif et être encouragée pour favoriser le développement des véhicules au bio GNV et garantir une mobilité rurale plus durable”. 

Faut-il se lancer aujourd'hui ?  

“Aujourd'hui, l'unité de méthanisation est éprouvée. L'intégration de l'activité dans l'exploitation agricole se fait naturellement. Bien sûr, des aléas surviennent et il faut faire face à quelques défis quotidiens (maintenance, qualité des intrants, etc) mais les résultats sont bien là. Notre exploitation remplit bien ses trois missions : l'élevage, la culture et la production d'énergie verte”. 10 ans plus tard, la Ferme d'Arcy alimente en gaz 6 communes voisines.  

Bien sûr, les conditions pour se lancer aujourd'hui ne sont pas les même que celles d'il y a 10 ans. D'un côté, les nouveaux porteurs de projets peuvent bénéficier de la présence d'acteurs plus nombreux pour soutenir les projets, de constructeurs plus expérimentés et d'une réglementation plus favorable. En revanche, d'un autre côté, ils sont aussi confrontés à des coûts d'investissement plus importants et des taux d'intérêt plus élevés.  
Malgré ces défis, Mauritz souligne que “la méthanisation remplit toujours ses missions et contribue à l'amélioration de l'agriculture tout en générant des revenus complémentaires à l'exploitation agricole”. 

“Je conseille donc à un porteur de projet d'être vigilant sur 4 points majeurs : ses conditions aux capacités du réseau de gaz, sa quantité d'intrants, son plan d'épandage en accord avec l'unité et la taille de ses intrants, et surtout de bien définir son emplacement pour limiter les contraintes d'accessibilité. Il faut privilégier un emplacement stratégique pour les flux entrants, les flux sortants et l'accès au réseau de gaz”.  Ces éléments restent fondamentaux pour assurer le succès d'un projet de méthanisation.