
Sécurité en méthanisation : construire un site fiable et efficace, c'est d'abord penser à ceux qui y travaillent
Retours d'expérience et conseils pratiques pour faire de la prévention un outil au service du projet.

La sécurité est souvent perçue comme une exigence réglementaire à respecter en fin de projet. Mais pour un porteur de projet en méthanisation, elle peut devenir un véritable levier de performance, d'organisation et de confort d'exploitation. Trop souvent abordée sous l'angle du contrôle, elle mérite d'être réintégrée dès les premières phases de conception, au même titre que les questions techniques, économiques ou agronomiques.
C'est cette approche que défend la commission « Amélioration continue & Professionnalisation » de l'Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France (AAMF), à travers la Charte des bonnes pratiques, les outils de terrain et un accompagnement pragmatique. Pour Mauritz Quaak, Vice-président de l'AAMF et pilote, la sécurité ne doit pas être subie : elle peut être structurante, et bénéfique à chaque étape du projet. Ce dossier propose un éclairage complet sur cette approche, à travers des retours d'expérience et des recommandations concrètes.
Pourquoi la sécurité doit faire partie intégrante du projet
« La prévention des risques, ce n'est pas une couche de complexité supplémentaire. C'est un gain de confort au quotidien, et un facteur de pérennité pour toute l'exploitation. »
Mauritz Quaak
Derrière ce constat, une réalité : la gestion d'un site de méthanisation relève d'un pilotage industriel dans un contexte agricole. Ce double ancrage crée une forme de décalage, notamment sur les questions de sécurité, rarement perçues comme prioritaires lors du montage de projet. Pour y répondre, l'AAMF a structuré une commission dédiée, dont le rôle est d'accompagner les exploitants dans une montée en compétence continue.
« On sait piloter une ferme. Mais piloter une unité de méthanisation, c'est gérer un outil industriel. »
Mauritz Quaak
Anticiper la sécurité dès la phase projet
Le message de Mauritz Quaak est clair : plus la sécurité est intégrée tôt dans le projet, plus elle devient simple à gérer ensuite. De nombreux détails techniques peuvent être anticipés dès les premières esquisses : hauteur des garde-corps, circulation autour des cuves, position des tuyauteries, accès aux équipements sensibles.
« Un garde-corps trop bas, une pompe mal placée, un tuyau à hauteur de tête… Ce sont des détails en apparence, mais dans la réalité du travail quotidien, ça change tout. »
Mauritz Quaak
La commission recommande aux porteurs de projet de visiter d'autres unités, d'échanger avec des agriculteurs méthaniseurs, d'observer des installations en fonctionnement, et de poser toutes les questions pratiques. Ce sont souvent ces échanges de terrain qui permettent d'ajuster un plan, d'éviter une erreur ou de prévoir une adaptation utile.
L'AAMF s'appuie également sur son réseau de correspondants Charte, répartis sur le territoire, pour accompagner les adhérents au plus près des réalités de terrain.
La Charte : un outil structurant, pas un simple audit
La Charte des bonnes pratiques de la méthanisation agricole, portée par l'AAMF, s'adresse en priorité aux exploitants agricoles engagés dans une démarche de professionnalisation, mais elle constitue également un outil précieux pour les porteurs de projet. Dès la phase de conception, elle peut servir de guide pour poser les bonnes questions, anticiper les exigences réglementaires et structurer son projet de manière progressive et sécurisée. Elle ne remplace pas la réglementation, mais en facilite l'appropriation.
Elle va bien au-delà d'une simple grille de conformité. Elle permet de balayer, étape par étape, tous les aspects clés d'un site : sécurité, traçabilité, gestion du digestat, formation des équipes…
« On ne conçoit pas un site de méthanisation comme on construit une stabulation. Les exigences sont d'un autre ordre. La Charte est là pour aider à les structurer, pas pour les alourdir. »
Mauritz Quaak
Pensée comme un outil de progrès et de partage, elle est un repère structurant qui peut accompagner concrètement les porteurs de projet tout au long de leur parcours. Grâce à elle, certains ajustent leurs plans, anticipent les attentes des financeurs ou des autorités, ou identifient des aménagements à prévoir avant la mise en service.
Dans une démarche d'amélioration continue, l'AAMF a mis en œuvre « La Charte des bonnes pratiques de la Méthanisation Agricole ».

Former ses salariés : un réflexe à intégrer dès le départ pour garantir la sécurité
Dans le monde agricole, la formation n'est pas toujours un réflexe immédiat. Pourtant, avec la méthanisation, la formation est un réflexe indispensable. L'unité de méthanisation est un outil complexe, industriel, qui impose un nouveau savoir-faire, bien éloigné des automatismes agricoles traditionnels.
Maîtriser ces protocoles est essentiel pour travailler en sécurité. Cela concerne l'exploitant, mais aussi toute personne intervenant sur site : salarié, intérimaire, prestataire… Tous doivent être formés et compétents. C'est pourquoi l'Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France (AAMF) a co-construit le Mémo des formations incontournables, un outil pratique pour guider les exploitants. Il recense les compétences indispensables : habilitations électriques, travail en hauteur, intervention en milieu confiné, gestion des zones ATEX, fonctionnement global de l'installation… Ce support synthétique et lisible facilite l'appropriation de ces exigences au quotidien.
Former ses collaborateurs, c'est aussi assurer leur sécurité jour après jour.
« La prévention des risques, ce n'est pas une couche de complexité supplémentaire. C'est un gain de confort au quotidien, et un facteur de pérennité pour toute l'exploitation. »
Mauritz Quaak
Prévenir les arrêts d'exploitation, fidéliser les salariés, sécuriser les interventions : la sécurité est un levier de performance. Dans une unité de méthanisation, chaque opération doit être anticipée : qui intervient ? Avec quelles informations ? Quels équipements sont requis ? Quels protocoles sont appliqués ? Être irréprochable en matière de sécurité, c'est aussi défendre l'image de la méthanisation agricole, en intégrant la prévention dans la culture métier, au même titre que l'agronomie ou la logistique.
Le GT Formations (Groupe de Travail Formations) du Club Biogaz, à l'origine de cette initiative, a travaillé en collaboration avec des experts, des acteurs du terrain et des formateurs. Ce mémo est le fruit de cette expertise collective au service de la professionnalisation de la filière.

Guide de recommandations et de vulgarisation réalisé par CH4Process, avec le soutien de GRDF et la participation de l'ATEE – Club Biogaz, du CTBM, de l'AAMF et de Biogaz Vallée. Ce guide de sensibilisation a été conçu pour offrir une première approche des risques partagés par l'ensemble des unités de méthanisation. Accessible et pédagogique, il vise à renforcer la culture de la sécurité dans la filière, dès les premières étapes de compréhension des installations.

Monter en compétence à l'échelle de la filière
La formation ne concerne pas uniquement les salariés. Elle implique aussi les partenaires extérieurs. En collaboration avec l'ENSOSP (Ecole nationale des sous-officiers sapeurs-pompiers), l'AAMF participe à la montée en compétence des casernes sur les spécificités de la méthanisation agricole. Cette action permet d'ancrer la connaissance des risques au sein des services d'intervention, pour une meilleure coordination et une intervention plus efficace.
« Il faut accompagner les producteurs, mais aussi les acteurs du territoire. Plus chacun comprend les spécificités de ces sites, plus les échanges sont fluides et les interventions sécurisées. »
Mauritz Quaak
Une vision réaliste des risques : comprendre pour mieux prévenir
En matière de sécurité, l'imaginaire collectif évoque l'explosion. En réalité, les incidents les plus fréquents 73,8%) concernent les manipulations de digestat ou les opérations de maintenance courante. Il s'agit souvent d'opérations perçues comme banales : pompage, transfert, vidange, nettoyage… qui présentent pourtant des risques concrets s'ils ne sont pas encadrés.
« Ce sont des moments d'apparente routine – une vidange, un pompage – qui concentrent le plus grand nombre d'incidents. Et pourtant, ils sont rarement identifiés comme critiques. »
Mauritz Quaak
Ces situations posent parfois question en termes d'organisation : le prestataire est-il briefé ? La zone est-elle signalée ? Y a-t-il un protocole écrit ou une formation préalable ? Tous ces éléments relèvent de la prévention active.
Depuis 2023, l'AAMF est référente filière auprès du BARPI (Bureau d'analyse des risques et pollutions industriels). Cette mission permet de documenter plus finement les événements recensés dans la base ARIA, d'en analyser les causes, et d'en faire des leviers d'amélioration partagés avec toute la filière. Deux fois par an, l'AAMF consolide les données d'incident, les croise avec les retours de terrain et produit des synthèses factuelles, avec des préconisations concrètes pour les exploitants.
Depuis 2023, le Club Biogaz coordonne deux groupes de travail, dont l'un porte sur la sécurité des installations de méthanisation. Il met à disposition des ressources essentielles et des publications pour favoriser le partage d'expériences et de bonnes pratiques en matière de sécurité.
L'engagement de la filière, gage de crédibilité
La sécurité ne repose pas que sur les exploitants. Elle implique aussi les constructeurs, les prestataires, les pouvoirs publics et les relais techniques. En structurant des outils communs, en formant les acteurs, et en diffusant les bonnes pratiques, la filière dans son ensemble gagne en crédibilité et en efficacité.
Cette rigueur partagée est un signal fort adressé aux institutions. Elle montre qu'au-delà du respect réglementaire, la filière méthanisation est en capacité de s'auto-structurer, de prendre du recul sur ses pratiques et d'engager des améliorations continues. Montrer que l'on maîtrise ses risques, c'est aussi renforcer sa légitimité face aux pouvoirs publics et défendre sa place dans les politiques territoriales ou énergétiques.
« La sécurité n'est pas un frein. C'est une assurance. Il n'y a pas de réussite technique sans conditions de travail sûres. »
Mauritz Quaak
Les 5 points clefs à retenir en tant que porteurs de projet
- Intégrer la sécurité dès les premières étapes, c'est éviter des adaptations coûteuses ou complexes en aval ;
- Visiter des unités et échanger avec des méthaniseurs en activité permet d'anticiper les points sensibles ;
- S'appuyer sur la Charte AAMF, c'est structurer sa démarche autour de bonnes pratiques reconnues ;
- Former ses équipes, c'est protéger son outil, son personnel, et assurer la pérennité du site ;
- Mobiliser les ressources disponibles, c'est avancer plus sereinement, avec des repères clairs.
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