Agrimétha du Pouloux : un modèle agricole en adaptation, entre transmission et transition

Plusieurs régions 23 JUIN 2025

Dans l'Isère, la famille Point a bâti un projet de méthanisation agricole structurant, conçu comme un outil de transmission et une réponse locale aux défis du métier.

À Saint-Barthélemy-de-Beaurepaire, en Isère, Raphaël Point, agriculteur en polyculture-élevage, a mené avec son frère un projet de méthanisation en injection. Lancée avec curiosité, l'unité Agrimétha du Pouloux injecte aujourd'hui 180 Nm³/h de biométhane. Ce projet ne résout pas un problème ; il répond à une vision : diversifier l'exploitation, préparer l'avenir et inscrire la ferme dans une trajectoire de long terme. Une approche pragmatique, fondée sur l'observation, la coopération familiale, et l'apprentissage sur le terrain. 

Une diversification guidée par la curiosité… et la volonté de transmettre 

« On n'avait pas de souci à régler, ni de pression réglementaire. On a fait ce projet par envie. » 

Raphaël Point

La méthanisation s'est imposée comme une suite logique pour Raphaël Point. Dans une famille habituée aux projets agricoles — irrigation, élevage, machinisme partagé — l'unité de méthanisation est arrivée comme une nouvelle brique. Rapidement, les deux frères se lancent.  

La clé ? L'envie d'agir. Et l'idée que la ferme se construit aussi pour ceux qui viennent après.

« On a toujours eu cette logique de projets. Là, c'était nouveau, stimulant. » 

Raphaël Point

Une unité évolutive, pensée dans la continuité de l'exploitation

Dès le lancement, le projet est dimensionné pour s'adapter : 120 Nm³/h injectés dès la première année, puis 180 Nm³/h après une augmentation de capacité. 

Le gisement repose sur un équilibre simple et cohérent : 50 % de cultures intermédiaires (CIVE) 20 % d'effluents issus de l'élevage, et 30 % de coproduits agroalimentaires collectés localement.

« Dès que ça fait trop de kilomètres, on dit non »

Raphaël Point

Cette vigilance logistique s'inscrit pleinement dans une logique d'économie circulaire, en renforçant la cohérence territoriale du projet et en limitant son impact environnemental. Les associés ont également choisi d'obtenir la certification RED II, bien qu'elle ne soit pas exigée pour une unité de cette taille. Ce choix volontaire souligne leur engagement à inscrire leur démarche dans un cadre vertueux et à valoriser la rigueur de leurs pratiques agricoles et environnementales. 

Un chantier mené en interne, une exigence de terrain 

Phase projet : implication maximale, apprentissage terrain 

L'ensemble du projet a été conçu et réalisé en grande partie par les associés eux-mêmes : plans, terrassements, coordination des travaux. Cette auto-construction a permis de garder la main sur toutes les étapes, mais a nécessité un engagement personnel et familial très fort.

« Trois ans sans week-end. Si c'était à refaire, je déléguerais plus »

Raphaël Point

Le chantier a représenté une phase particulièrement exigeante, marquée par l'apprentissage sur le tas, la gestion simultanée de l'exploitation agricole et du projet, et une forte mobilisation des ressources internes. Pour mieux préparer leur démarche, les associés ont multiplié les visites de sites, échangé avec d'autres agriculteurs méthaniseurs et pris le temps de choisir un bureau d'études de confiance. Pour les porteurs de projet, cela rappelle l'importance d'anticiper dès le départ le volume de travail, de bien s'entourer et de réfléchir à ce qui peut (ou doit) être délégué. 

Phase exploitation : professionnalisation progressive et organisation stabilisée 

Dès la seconde moitié du chantier, les associés ont recruté un premier salarié, ancien mécanicien automobile, formé directement sur le site. Il assure aujourd'hui l'ensemble du suivi technique quotidien. Un second salarié est venu renforcer l'équipe pour faire face aux pics d'activité, notamment en période d'ensilage. Cette organisation à trois permet de tenir une astreinte un week-end sur trois par personne, garantissant une continuité d'exploitation sans surcharge. 

Raphaël Point reste fortement mobilisé :

« Je passe environ 50 % de mon temps sur la métha. »

Raphaël Point

Entre gestion administrative, suivi des obligations réglementaires, décisions de pilotage et interventions techniques, son implication est constante.

« À part l'épurateur, on assure toute la maintenance nous-mêmes. » 

Raphaël Point

Ce fonctionnement repose sur une répartition claire : un salarié à temps plein dédié au suivi quotidien, un second pour les périodes de charge, les associés pour les astreintes et la stratégie, et un référent administratif interne. Une organisation sobre mais robuste, pensée pour durer. Raphaël Point assure également la gestion administrative courante de l'unité : suivi des registres, conformité réglementaire, relations avec les prestataires et les autorités. Une tâche chronophage mais indispensable pour garantir le bon fonctionnement du site et sa conformité à long terme. Pour les porteurs de projet, c'est un point essentiel : anticiper les compétences nécessaires et structurer une équipe adaptée dès la mise en route est un facteur clé de réussite. 

“Le méthaniseur a clairement eu un impact. Il a modifié notre organisation. Il a fallu adapter nos pratiques : gestion des cultures, des effluents On a beaucoup moins de latitude dans la gestion de nos cultures. Tout doit être pensé, millimétré… On a pris les changements comme ils venaient. “ 

Raphaël Point

Une ferme qui se transforme, un avenir qui s'organise 

Le projet s'inscrit dans une stratégie familiale claire. Le fils de Raphaël, installé à 20 ans sur une exploitation céréalière, suit de près le site.

« Si je n'avais pas eu cette perspective de transmission à mon fils, je ne suis pas certain que je me serais lancé dans la méthanisation. C'est un projet familial. Ce n'est pas le cas chez nous, mais dans certains élevages ça ouvre une perspective pour installer un jeune sur une nouvelle activité. »

Raphaël Point

Le méthaniseur structure la ferme différemment : il crée de l’emploi, attire des jeunes pour les chantiers, dynamise l'activité quotidienne.

« Il y a toujours du monde à la maison. Moi, ça me motive. » 

Raphaël Point

Conseils aux porteurs de projet : ce qu'il faut retenir 

Raphaël Point partage plusieurs conseils issus de son expérience : 

  • Visiter d'autres sites pour se projeter concrètement dans les réalités du terrain. 

« Ce que tu vois dans un document, ça ne remplace jamais une visite. On a besoin de toucher, d'échanger, de voir ce qui fonctionne vraiment sur le terrain. » 

Raphaël Point

  • Ne pas sous-estimer le temps à y consacrer, notamment en phase de montage : coordination, administratif, suivi des travaux… 
  • Prévoir un pilotage humain dès le départ, avec une organisation claire des rôles. 
  • Anticiper la logistique, notamment pour les intrants extérieurs : proximité, stockage, gestion des flux. 
  • Penser le projet dans la durée, avec une dimension familiale et une vision de transmission. 

Chez les Point, la méthanisation ne bouleverse pas l'exploitation : elle l'accompagne dans son évolution. C'est un outil parmi d'autres, pensé pour durer, adapté aux réalités du terrain, et transmis en confiance. Le projet rappelle que derrière chaque unité, il y a une trajectoire, un engagement, et souvent, une volonté forte de transmettre plus qu'une simple production énergétique. Et vous, quelle place la méthanisation peut-elle prendre dans votre trajectoire agricole ? 

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