Prairies permanentes et méthanisation : une opportunité complémentaire à l'élevage 

National 16 DÉCEMBRE 2024

Comment la méthanisation peut valoriser les prairies permanentes tout en soutenant l'élevage et leurs services écosystémiques ?

Une solution complémentaire pour des coupes sous-valorisées 

Les prairies permanentes couvrent environ 20 % du territoire agricole français, selon le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, et jouent un rôle crucial dans le stockage du carbone, la préservation de la biodiversité et la protection des sols (source : Agreste, ministère de l'Agriculture). Bien que l'herbe issue de ces prairies ne représente qu'1 % des intrants utilisés en méthanisation, son potentiel reste intéressant (source : ADEME, 2020). Cette pratique permet de valoriser certaines coupes de prairies abandonnées ou sous-exploitées, notamment dans des contextes où l'élevage a disparu ou diminue fortement. Dans certaines régions intermédiaires, certains éleveurs peuvent valoriser entre 20 et 40 % de la production d'herbe par la méthanisation (source : IDELE). De plus, l'herbe possède un bon pouvoir méthanogène, notamment lorsqu'elle est ensilée (source : INRAE). 

Cependant, cette valorisation nécessite un équilibre soigneusement mesuré pour éviter toute dégradation des écosystèmes associés. Toute utilisation doit respecter les cadres réglementaires stricts en vigueur, afin de préserver les services écosystémiques fondamentaux des prairies, et ne pas encourager leur retournement en terres arables, une pratique qui libère de grandes quantités de carbone stocké dans les sols (source : PAC, Commission Européenne). 

L'élevage, au cœur de l'entretien des prairies permanentes 

Le maintien des prairies permanentes repose principalement sur l'élevage, aujourd'hui perçu comme la meilleure solution pour entretenir ces surfaces. Face à la décroissance des cheptels, certains agriculteurs envisagent toutefois de rentabiliser ces parcelles par d'autres voies, voire de les convertir à des cultures de rente. Dans ce contexte, la méthanisation peut constituer une alternative intermédiaire en valorisant des coupes spécifiques tout en évitant le retournement des prairies. 
En complément de l'élevage, la méthanisation peut non seulement préserver les bénéfices agronomiques et écologiques des prairies, mais aussi recycler efficacement les nutriments via les digestats, enrichissant ainsi les sols en azote (source : ADEME). Ce modèle circulaire est particulièrement adapté aux zones sensibles, telles que les espaces Natura 2000 ou les exploitations en agriculture biologique, où les apports de fertilisants sont strictement encadrés. 

Un cadre réglementaire strict pour éviter les dérives 

Les prairies permanentes sont de plus en plus sanctuarisées en raison de leur rôle crucial dans les services écosystémiques. La réglementation française encadre leur usage afin de préserver leur vocation écologique et de limiter les impacts négatifs sur l'environnement (source : Ministère de l'Écologie). Toute valorisation, y compris par la méthanisation, doit respecter ces règles pour ne pas compromettre les objectifs environnementaux. 

Pour éviter toute survalorisation économique au détriment des prairies, la méthanisation doit se limiter à des coupes secondaires ou excédentaires, et s'inscrire dans une logique complémentaire à l'élevage (source : PAC, CommissionEuropéenne). Cet encadrement permet d'assurer une gestion responsable tout en maintenant les bénéfices écologiques associés à ces surfaces.  

Focus sur le projet MéthaLAE 

Le projet MéthaLAE, porté par Solagro, illustre de manière concrète la manière dont la méthanisation peut être intégrée dans les systèmes agricoles tout en préservant les prairies permanentes. Ce projet explore une voie innovante pour utiliser des ressources souvent sous-valorisées dans des démarches agroécologiques globales. 

Un modèle pour les biomasses secondaires 

MéthaLAE se concentre sur la valorisation de biomasses secondaires, comme les coupes tardives ou les herbes de faible qualité issues des prairies humides. Ces ressources, souvent peu exploitées pour l'alimentation animale, trouvent dans la méthanisation une nouvelle vocation. Cela permet de limiter le gaspillage tout en intégrant les prairies dans un cycle économique vertueux. 

Des digestats comme levier agronomique 

Les digestats produits dans ce modèle jouent un rôle clé. En apportant de la matière organique et des nutriments aux sols, ils renforcent leur fertilité et contribuent à une meilleure rétention d'eau. Ces bénéfices sont particulièrement précieux dans des exploitations où les pratiques agroécologiques, comme l'agriculture biologique, imposent une limitation stricte des intrants de synthèse. MéthaLAE montre que l'utilisation des digestats peut aussi réduire la dépendance des agriculteurs aux engrais chimiques, réduisant ainsi leur impact environnemental tout en améliorant leur résilience économique. 

Adaptabilité et reproductibilité 

Un des aspects les plus intéressants du projet est sa capacité à être répliqué dans des contextes variés. MéthaLAE s'adresse autant à des exploitations d'élevage qu'à des fermes plus diversifiées. En s'adaptant aux spécificités locales — disponibilité des biomasses, besoins en énergie ou contraintes environnementales —, ce modèle offre des solutions sur mesure pour conjuguer production et durabilité. 

Complémentarité avec les pratiques traditionnelles 

Contrairement à certaines inquiétudes, la méthanisation ne cherche pas à remplacer l'élevage mais à le compléter. Les prairies permanentes utilisées dans MéthaLAE restent en grande partie dédiées à l'élevage, et seules les biomasses secondaires sont dirigées vers la méthanisation. Ce partage des usages optimise la gestion des prairies tout en assurant leur entretien par les activités pastorales. 

Des retombées locales et environnementales 

MéthaLAE met également en avant les retombées positives pour les territoires ruraux. La production de biogaz contribue à l'autonomie énergétique des exploitations et des collectivités locales. De plus, en stimulant la collaboration entre agriculteurs et collectivités, le projet favorise le développement de filières locales, créant ainsi des emplois et des synergies économiques. En parallèle, l'utilisation des prairies dans un cadre respectueux des écosystèmes soutient les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de protection de la biodiversité. 

Une opportunité à encadrer 

L'association entre prairies permanentes et méthanisation est une pratique émergente, encore marginale mais porteuse d'un potentiel intéressant. Bien qu'elle ne constitue pas une solution généralisable, elle peut être intégrée de manière complémentaire à l'élevage pour valoriser certaines biomasses tout en préservant les services écosystémiques des prairies. 

Pour que cette approche se développe durablement, il est essentiel de respecter les cadres réglementaires et d'assurer un encadrement technique et financier des projets. Les exemples tels que le projet MéthaLAE montrent qu'il est possible de concilier ces pratiques tout en préservant les équilibres environnementaux et économiques. 

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