Performance thermique des digesteurs
Grâce à une étude menée par l'INSA, découvrez comment maximiser l'optimisation thermique de votre digesteur et ses bénéfices potentiels.
Le projet ECOFEV, réalisé dans le cadre de la « chaire innovation biogaz INSA – GRDF », vise notamment à optimiser les performances thermiques des digesteurs de méthanisation agricole. Nous avons questionné Aras Ahmadi, professeur chercheur à l'INSA et co-auteur de l'étude ; et Mauritz Quaak, agriculteur et membre de l'AAMF, sur les résultats de cette étude.
En quoi consiste le projet ECOFEV ?
A. Ahmadi : L'objectif de ce projet est d'étudier la performance thermique des digesteurs des unités de méthanisation agricole. L'étude est centrée sur les digesteurs cylindriques semi-enterrés en voie infiniment mélangée fonctionnant en régime mésophile (soit la très large majorité des sites de méthanisation actuels). Nous avons modélisé les différents phénomènes de transfert de chaleur dans le digesteur puis identifié les principales sources de perte d'énergie. Cela nous permet, aujourd'hui, de proposer des solutions d'optimisation de l'efficacité thermique de ces unités.
Pourquoi s'intéresser à l'efficacité thermique des unités de méthanisation agricole ?
A. Ahmadi : Afin d'assurer le fonctionnement optimal des digesteurs anaérobies en régime mésophile, il faut maintenir une température proche de 40°C. La température de l'eau et des intrants est très souvent inférieure (excepté parfois l'été). Bien que la réaction de méthanisation soit exothermique (c'est à dire qu'elle produit elle-même de la chaleur), il est nécessaire d'avoir un apport de chaleur externe, au cours des mois les plus froids. Pour cela, une chaudière est installée. Elle fonctionne généralement au biogaz brut. Ainsi, une partie du biogaz produit par l'unité est utilisée pour chauffer le digesteur. Cette part varie entre 2% et 8% selon la qualité de l'isolation du digesteur et des conditions climatiques locales. Dans d'autres cas, une chaudière fonctionnant au gaz naturel ou une autre énergie peut également être installée.
Qu'elle soit en autoconsommation ou non, la diminution de cette consommation énergétique fait partie des éléments majeurs contribuant à la rentabilité des unités de méthanisation agricole. Notre étude a montré qu'en optimisant les performances énergétiques de l'ensemble de l'unité, il serait possible d'atteindre « l'autarcie » en apport de chaleur, soit un modèle complètement autonome. Et ce, malgré la variabilité des conditions saisonnières.
Quels sont les stratégies pour approcher l'autarcie thermique ?
A. Ahmadi : Nous avons identifié plusieurs paramètres pouvant fortement impacter le bilan thermique. En premier lieu, il faut chercher à réduire les pertes d'énergie dans le digesteur. Il existe pour cela des solutions d'isolation et de conception que nous allons détailler. Dans un second temps, la chaleur des compresseurs nécessaires au processus d'épuration du biogaz et le digestat chaud sont des sources de chaleur qui peuvent être récupérées. Leur valorisation permettrait de réduire significativement le taux d'utilisation de la chaudière.
- L'optimisation de l'isolation par les membranes
Schéma présentant un gazomètre multi-membranes dont deux isolantes. | A. Ahmadi : Les pertes de chaleur du digestat à travers les membranes du gazomètre vers le revêtement de couverture peuvent être réduites en apposant plusieurs membranes entre le digestat et la couverture. D'après notre étude, un système triple membrane permet un gain thermique d'environ 50%. A noter que l'effet de ces membranes est optimal lorsque la première membrane isolante est épaisse (3cm à 5cm) et très proche du digestat (la source chaude). |
Schéma présentant un gazomètre multi-membranes dont une isolante perforée proche du digestat. | M. Quaak : Certains digesteurs possèdent même quatre membranes. En résultat la quantité de biogaz autoconsommé est infime ! Il faut cependant être vigilant sur les caractéristiques de la membrane isolante proche du digestat : la rétention de condensats de souffre pourrait causer sa chute dans le digesteur, il faut donc privilégier une membrane perforée, moins isolante mais plus pérenne. Le système multi-membrane le plus performant semble donc être un système à quatre membranes : une membrane isolante perforée proche du digestat, la membrane souple séparant le biogaz de l'air, une membrane en feutrine isolante et le revêtement de couverture. |
- L'optimisation par la conception et l'isolation thermique
A. Ahmadi : Au-delà des membranes du gazomètre, la conception de l'isolation thermique des murs, et dans une moindre mesure du fond de la cuve, sont des points clefs. Cette dernière permet de s'affranchir des performances thermiques des matériaux de construction et des caractéristiques du système de chauffage interne du digesteur. Notre étude montre qu'un isolant de conductivité thermique 0.05 W.m-1.K-1 et d'une épaisseur de 15 à 20 cm est optimal pour l'isolation de l'installation. Cela correspond à un coefficient de transmission thermique de 0.2 à 0.3 W.m-2.K-1.
M. Quaak : Le choix des matériaux de couverture et d'isolation dépend aussi d'autres critères tels que le prix, la tenue dans le temps (vieillissement), la résistance mécanique et aux intempéries. Il peut donc être pertinent d'investir dans un matériau plus coûteux mais plus résistant. Il faut aussi noter que lorsque le digesteur est bien isolé, le digestat ainsi que le biogaz sortent à environ 40°C. Or, le processus d'épuration commence par refroidir le biogaz avant de le comprimer. C'est pourquoi il est préférable de ne pas isoler le post-digesteur et la cuve de stockage, afin de laisser le biogaz refroidir. Pour donner un exemple, lorsque l'on regarde la neige sur les sites en hiver on observe qu'elle tient sur la couverture extérieure du digesteur qui est bien isolé, mais qu'elle fond rapidement sur celle du post-digesteur volontairement peu isolé. Il y a donc un équilibre à trouver sur les besoins de chauffage et d'isolation.
Pour aller plus loin, quelles sources de chaleur peuvent-être valorisées ?
A. Ahmadi : L'isolation du digesteur permet de réduire très fortement la consommation d'énergie du process de méthanisation. Afin d'atteindre « l'autarcie thermique », deux sources de chaleur peuvent être valorisées.
La première est la récupération de la chaleur advective du digestat pour chauffer les intrants. En effet, lorsque la température des intrants est inférieure à 40°C, l'apport de chaleur nécessaire au niveau du digesteur augmente. Un stockage préalable des intrants et un préchauffage permettent de réduire fortement cet apport. En particulier, notre étude montre qu'il est possible par le biais d'échangeurs de chaleur de récupérer l'énergie du digestat pour augmenter la température des intrants. Pour cela l'utilisation d'un échangeur à plaques spirales, permettrait de récupérer la chaleur du digestat plus efficacement qu'un échangeur à plaque simple et avec un encrassement limité.
M. Quaak : Dans le stockage du digestat, la réaction de méthanisation se poursuit et de petites quantités de biogaz peuvent être captées. Si le digestat est refroidi, on ne pourra pas récupérer ce biogaz. Il faudrait donc comparer ce que peut rapporter la valorisation de ce biogaz plutôt que la chaleur du digestat.
A. Ahmadi : La seconde source de chaleur valorisable est la chaleur fatale de certains procédés d'épuration. A titre d'exemple, dans les épurateurs PSA (Pressure Swing Adsorption), les compresseurs à haute pression peuvent être équipés de systèmes de refroidissement permettant de récupérer la chaleur produite et de l'utiliser pour chauffer le digesteur. Les gains estimés sont d'environ 25% à 30% des besoins thermiques du site.
Un dernier conseil ?
A. Ahmadi : Ici ont été présentés seulement quelques aspects de l'étude ECOFEV, pour en savoir plus je vous conseille de lire le guide complet , il explore les points abordés plus en détail et développe également d'autres sources possibles d'optimisation thermique.
M. Quaak : Bien sûr, il est important de prendre en compte tous les aspects de la méthanisation, et pas seulement le potentiel thermique.
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