De la coopération à l'énergie : les Cuma soutiennent l'émergence de projets de la méthanisation agricole
Impact de la méthanisation dans les coopératives agricoles Cuma. Témoignage des projets Jetza Gaz et Hopla Gaz.
Alors que l'agriculture se doit de relever les défis du développement durable, un mouvement vers des pratiques plus durables et coopératives se dessine. Au cœur de cette transformation, les Cuma (Coopératives d'Utilisation de Matériel Agricole) jouent un rôle crucial. Nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour mutualiser les coûts de machinerie agricole, les Cuma ont su s'adapter aux enjeux de leur temps. Aujourd'hui, avec près de 10 000 coopératives actives, elles constituent un pilier de l'agriculture coopérative française. Leur rôle initial d'accès au machinisme s'est considérablement élargi, embrassant désormais un éventail de services plus diversifiés. Nous sommes allés à la rencontre de Vincent Dietemann agriculteur méthaniseur et Matthieu Goehry, président de la FNCuma. Ils témoignent.
L'intégration du biométhane dans les projets Cuma
Les Cuma, de par leur expérience dans la gestion collective et la mutualisation des ressources, sont idéalement placées pour accompagner les agriculteurs dans les projets de méthanisation. Elles permettent notamment de réduire les coûts liés aux intrants et à la logistique, un atout majeur comme l'illustre le projet Jetza Gaz dirigé par Vincent Dietemann. Ce projet, qui regroupe 15 exploitations agricoles, met en avant l'efficacité de la coopération.
La FNCuma enrichit cette dynamique en proposant des orientations claires pour une mécanisation responsable et une agriculture plus durable. Au travers d'un Livre Blanc, elle souligne l'importance des pratiques innovantes et respectueuses de l'environnement, alignées sur les défis du monde agricole de demain. Il encourage les agriculteurs à envisager la méthanisation non seulement comme une solution à leurs besoins énergétiques mais aussi comme un levier de développement économique et écologique à long terme.
« La FNCuma imagine un agriculteur multiple, à la fois producteur d'aliments et producteur d'énergie. Cette diversification ouvre l'agriculture vers l'extérieur, faisant des exploitations et infrastructures des Cuma des lieux d'échanges et de collaboration. »
Matthieu Goehry
Les Cuma : catalyseurs d'échanges et d'entraide en agriculture
« Dans une Cuma, nous partageons plus que du matériel ; nous partageons des connaissances, des expériences, et un engagement. »
Mathieu GOEHRY
Cette dynamique de groupe se révèle être un moteur puissant pour la concrétisation rapide de projets de méthanisation. Vincent Dietemann, président de l'unité de méthanisation Jetza gaz, témoigne de l'efficacité de cette collaboration : « Nous avons été très rapides, en moins de trois ans, nous sommes passés de l'idée de projet à la création de deux unités de méthanisation. » Cette rapidité d'exécution est directement attribuable à l'esprit de corps qui caractérise les Cuma. Les agriculteurs, déjà habitués à partager des ressources et des connaissances, trouvent dans ces coopératives un terreau fertile pour bâtir des collectifs forts et soudés, essentiels à la réussite de projets complexes tels que la méthanisation.
Focus sur les projets Jetza Gaz et Hopla Gaz : un modèle de méthanisation coopérative
Historique du Projet
Les projets Jetza et Hopla Gaz, initiés il y a cinq ans par un collectif d'agriculteurs méthaniseurs regroupant 30 agriculteurs issus de 15 exploitations, a été conçu pour diversifier l'activité agricole et la faire évoluer vers des pratiques plus vertueuses. L'idée a germé lorsqu'un bureau d'études (BE) a croisé le chemin des agriculteurs de la Cuma : alors que plusieurs des adhérents envisageaient de se lancer dans des unités de cogénération individuelles, il les a convaincus de faire le choix du projet collectif en injection. Après une analyse approfondie, le BE a confirmé la viabilité économique du projet. Les travaux ont débuté, aboutissant à la création de deux unités de méthanisation d'une capacité de 170 Nm3/h chacune : voilà comment sont nés les projets Hopla Gaz et Jetza Gaz.
Pourquoi ce choix ?
La décision de scinder le projet en deux sites distincts fut prise pour des raisons de logistique et d'économie. La réduction des coûts de transport des matières premières, principalement des effluents d'élevage constituant 80 à 90% des intrants, a été un facteur clé.
« En divisant le projet, nous avons pu non seulement être plus vertueux mais aussi mieux intégrer les préoccupations des riverains, renforçant ainsi notre proposition auprès des collectivités locales. »
Vincent Dietemann
Deux sites mais des moyens mutualisés pour s'aider et réduire les coûts
La division en deux projets plus petits a permis une gestion plus flexible et une répartition efficace des tâches et des responsabilités. L’embauche de deux employés à temps plein et de quatre à temps partiel, répartis sur les deux sites, a optimisé les coûts opérationnels tout en favorisant un esprit de solidarité. La gestion des pièces détachées, des urgences et des épandages de digestat est réalisée de manière mutualisée, ce qui renforce l'efficience et la cohésion du projet.
Impact sur les exploitations et gestion quotidienne des sites
L'impact des deux sites sur les exploitations agricoles impliquées est significatif. En premier lieu, la mise en place des unités de méthanisation a augmenté la charge de travail, surtout lors des phases initiales de chantier, de mise en route et de gestion administrative. Cependant, cet investissement en temps et en ressources a été compensé par les avantages à long terme, notamment en termes de diversification des revenus et d'amélioration de la gestion des effluents.
Le partage du digestat issu des unités de méthanisation représente un avantage essentiel pour les exploitations agricoles impliquées dans les projets Jetza Gaz et Hopla Gaz. Le digestat, sous-produit de la production de biométhane, est réparti équitablement entre les agriculteurs selon les volumes d'intrants qu'ils ont fournis.
Vincent Dietemann précise l'importance d'un accord sur la méthode de répartition des digestats. La gestion quotidienne des sites est facilitée par le partage des ressources et des responsabilités. Les employés sont partagés entre les sites, ce qui optimise les coûts et renforce la cohésion de l'équipe. Les tâches de maintenance, de dépannage et d'épandage sont gérées de manière centralisée, ce qui améliore l'efficacité opérationnelle et réduit les temps d'arrêt. La création d'un Groupement d'Intérêt Économique (GIE) pour la gestion des salariés assure la conformité aux réglementations légales et facilite la gestion administrative.
« Aujourd'hui, nous sommes 3 à être impliqué dans la gestion quotidienne du site, les autres sont plus présents dans la prise de décision, et le suivi. »
« Le partage du digestat est ajusté proportionnellement en fonction des intrants de chaque exploitant, ce qui inclut des considérations sur la matière brute, la matière sèche, et le pouvoir méthanogène. Ce n'est pas tant la méthode qui importe, mais le fait que nous soyons tous d'accord sur son application. »
Vincent Dietemann souligne aussi l'importance de cette organisation :
« Le partage du digestat et la gestion mutualisée des opérations ne sont pas seulement des mesures de réduction des coûts ; elles renforcent aussi notre engagement envers une agriculture plus durable et montrent notre capacité à travailler ensemble pour le bien commun. »
Perspectives et ambitions
Les ambitions ne manquent pas pour l'avenir des deux unités. Le projet envisage l'augmentation des capacités de stockage du digestat pour valoriser pleinement la production, le développement d'une station de carburant multi-énergies en partenariat avec la communauté de communes, ainsi que la rénovation de la flotte de tracteurs pour passer au BioGNV. Un autre projet d'envergure est à l'étude de la valorisation du CO2 produit.
Crédit photo : Opale énergies naturelles
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